L'osmie rousse

Ca alors… Qui peut donc avoir l’idée saugrenue de s’installer dans le tuyau d’arrosage, la serrure de la porte, l’orifice d’aération du châssis de fenêtre… et même dans le pot d’échappement de la vieille mobylette de Papi qui traîne dans la grange ??

Observons cela d’un peu plus près… Tiens, voilà l’originale ! Une abeille sauvage, toute rousse, toute gentille : l’Osmie rousse. Regardez-la travailler sans cesse, elle n’arrête pas, faudrait lui dire de se reposer de temps en temps !  Mais non, elle est pressée, elle est en train de construire les compartiments pour y pondre. Un véritable ballet : après avoir choisi son nid douillet (souvent le même que celui où elle est née, nous y reviendrons tout à l’heure, un peu de patience que diable !), maman Osmie déblaie  les restes de cellules de l’année précédente. Pas facile, elle doit procéder à reculons pour évacuer tout ce qui doit l’être et faire place nette !

Elle va ensuite chercher de  l’argile qui lui servira de matériau de construction (vous voyez, vous n’avez rien inventé !!). Dès qu’elle a trouvé un coin de terre humide, elle grattouille le sol avec ses pattes (elles sont petites ses papattes, oui, mais elle en a 6, avouez que c’est vachement pratique) ; elle prélève une boulette d’argile qu’elle malaxe avec de la salive et confectionne ainsi une petite bille de 2 millimètres  de diamètre. Quel boulot… Et c’est pas fini : il faut encore transporter ça dans le nid (par la voie des airs, elle a six pattes ET quatre ailes, ça tombe bien) et travailler cette petite bille d’argile comme du mortier. Puis recommencer encore et encore…

Maman Osmie construit ainsi la  cloison du fond puis dépose une réserve de pollen et de nectar. A h oui, j’ai oublié de vous dire : elle va chercher de l’argile mais aussi du pollen et du nectar. Elle n’arrête jamais on vous dit !!

Le pollen est récolté sur les chatons de saules, de noisetiers ou de chênes et transporté collé sur les petits poils qu’elle a sur le ventre (la “brosse ventrale” ;  si vous voulez faire savant et briller dans les salons, vous allez voir, ça en jette des expressions compliquées comme ça). Quant au nectar, elle le transporte dans son jabot. Alors évidemment, vous vous dites que tout cela ne doit pas être bien pratique une fois rentrée au nid… et vous avez bien raison, c’est une vraie gymnastique !!  Maman Osmie pénètre d’abord la tête la première dans le nid, régurgite le nectar et tasse le “pain d’abeille” avec son front. Elle recule ensuite jusqu’à l’entrée, fait demi-tour et glisse l’abdomen dans la cellule pour décharger le pollen en grattant sa brosse avec ses pattes. Ouf, ça y est, elle se sent tout de suite plus légère… Hop, petite inspection rapide, c’est pas mal tout ça mais c’est pas fini, il faut repartir au turbin pour ramener encore de l’argile, du pollen, du nectar…

Après 10 à 30 voyages, quand la cellule est à moitié pleine, maman Osmie pond un œuf (ben oui, suivez, c’est le but de la manoeuvre, elle fait pas tout ça juste pour la gloire !) et construit une paroi pour fermer la cellule. Jour après jour, elle façonne ainsi une dizaine de cellules, puis ferme l’entrée du nid avec une cloison d’argile massive. On ne sait jamais, il paraît que le coin n’est pas très sûr, des vauriens pourraient bien être attirés par cette réserve de nourriture… Certains même ne feraient qu’une bouchée des larves, quelle horreur, des vrais sauvages !!

Très occupée à préparer un joli petit nid pour les futures larves, maman Osmie est restée très attentive : elle n’a pas oublié de pondre des oeufs fécondés (qui donneront des femelles, ça marche conmme ça chez les abeilles, c’est étrange je sais mais c’est comme ça) dans les cellules du fond, et des oeufs non fécondés (qui donneront des mâles) dans les dernières cellules. Bizarre bizarre, pourquoi donc tant de chichis ??? Patience, nous allons bientôt comprendre…

Les œufs mettent environ 10 jours à éclore, et la larve mettra 2 à 3 semaines à se développer en consommant les réserves accumulées dans la cellule (mmmm, tout ce bon nectar mélangé avec du pollen… Quel régal pour bébé abeille, qui grossit à toute vitesse !). Fin juillet début août, la larve se nymphose dans un cocon et juste avant l’hiver les adultes apparaissent… chacun chacune dans sa cellule. Mais que c’est étroit là-dedans, ça donne envie de sortir, de déployer ses ailes, d’aller explorer le vaste monde, de rencontrer les copains et les copines qui sont dans les cellules à côté… Mais non ! C’est l’hiver, dehors il fait froid, il pleut, il neige, il n’y a rien à manger, les Osmies restent donc sagement dans leur galerie bien au chaud. Comme vous sous la couette le dimanche matin quand vous faites la grasse mat’ !

C’est au printemps suivant qu’elles sortent. Ah mais vous dites vous, il y a un problème : les Osmies du fond sont coincées par celles des cellules proches de la sortie ! Eh bien, en fait c’est fait exprès : dès les premiers jours doux de mars, les mâles (pondus en dernier, souvenez-vous !) sortent les premiers. Les femelles apparaissent 10-15 jours plus tard , elles rencontrent leur Roméo et une fois fécondées, elles cherchent un lieu de nidification adéquat et commencent à bosser dur dur dur.

Elles restent donc actives jusqu’à fin juin, mi-juillet, le temps de finir le nid. Quant aux mâles, une fois leur oeuvre de reproducteurs accomplie et quand leur Juliette les abandonne pour construire le nid, ils se retrouvent sans rien à faire (pas un qui aurait l’idée d’aider Madame à chercher de l’argile, du pollen ou de nectar. Pas un !! Franchement, je suis sûr que ça vous scandalise vous aussi, sûr que ça ne marche pas comme cela chez les humains !). Mais comme le travail, c’est la santé, trainailler sans rien faire finit par  être fatal aux mâles : ils vivent deux petites semaines et vont ensuite au paradis des abeilles. Paix à leur âme !

Alors… pour observer tout ce merveilleux ballet, la construction des cellules et du nid, rien de plus simple : les Osmies occupent facilement des hôtels à insectes formés de tubes de bambous ou de trous (diamètre 0,5-1 cm environ) percés dans des blocs de bois. Et je sais, c’est incroyable, mais souvent c’est la grande bête qui a peur de la petite. Alors rassurez-vous, aucun risque de vous faire piquer : les Osmies sont très pacifiques et si vous procèdez avec douceur, il n’y a aucun risque de vous faire piquer par les femelles. Quant aux mâles, ce sont des grosses feignasses, c’est vrai, mais hyyyper gentils : ils n’ont même pas de dard !

Pour en savoir plus sur les abeilles sauvages...

Deux courtes vidéos, deux document très complets et un livre qui présentent comment les identifier et les accueillir au jardin… L’osmie rousse mais aussi toutes ses petites copines ! Car vous pouvez inviter chez vous des dizaines d’espèces différentes. De quoi passer des heures à vous émerveiller en les observant…